résumé:

Depuis l’an 2000, le mariage a été ouvert aux couples de même sexe dans 29 pays. C’est une Révolution pour les homosexuels qui sortent de millénaires de persécution.

Pour ce faire, des femmes et des hommes se sont levés, ils ont pris conscience de leur état et de l’injustice. Ils ont voulu la liberté, l’égalité, la dignité, vivre l’amour, lutter contre l’homophobie. Ils ont mené une lutte pacifique sans verser une goutte de sang. 

Citons Richard Baker et James McConnel, le premier couple gay au monde à demander le mariage le 18 mai 1970 et qui l’a obtenu après 48 ans de lutte. Ou bien Chi Chia Wei, à Taiwan, qui suite à quatre tentatives et 33 ans de combats, a obtenu le droit au mariage pour son pays. 

Des individus se sont mobilisés, puis organisés collectivement. Ils ont utilisé tous les outils possibles (politique, communication, finances…) afin de réformer la loi au niveau institutionnel.

Après des décennies de travaux, les changements juridiques ont été obtenus. Les mariages ont eu lieu. L’homophobie a diminué. L’amour a gagné et l’Humanité a progressé. En janvier 2021, 84,4% de la population mondiale ne jouit pas de ce droit au mariage égalitaire. Donc, le travail est attendu dans les prochaines décennies.    

Lorsque les humains se battent pour la liberté, l’égalité et la fraternité, ils luttent contre l’oppression, la discrimination et la haine. L’égalité des droits pour les homosexuels contribue à édifier un monde d’amour, de joie et de paix.

Aujourd’hui, nos sociétés valorisent les hommes de guerre, les décideurs politiques, les généraux et les militaires, les anciens combattants. Ils ont droit à des honneurs, à des noms de rue, à des noms de ville et de pays parfois. Pourtant ils sont nombreux à avoir des mains entachées de sang et ils sont rares à avoir contribué au progrès de l’Humanité. 

De nombreuses personnes ont participé à améliorer la vie des gens, de manière pacifiste, sans violence, ils ont apporté leur pierre à l’édification d’un monde meilleur. Le mariage des homosexuels illustre ce processus de progrès par des actions citoyennes. 

« Love wins », l’amour triomphe, ou bien « love is love », l’amour est l’amour; ce sont les slogans très utilisés lors des dernières campagnes référendaires aux Etats-Unis et en Australie pour faire gagner le mariage des gays et des lesbiennes. Et avec un succès historique. 

Une Révolution homosexuelle est en train d’avoir lieu ces dernières décennies. Ce qui n’existait pas avant l’an 2000, le mariage des homosexuels, est apparu et se développe peu à peu dans le monde en moins de 20 ans. Le mariage est le symbole de cette égalité émancipatrice. Au delà du mariage, il y a toute l’émancipation des personnes Lesbiennes, Gays, Bisexuelles, Transgenres (LGBT) qui suit. 

Cette Révolution homosexuelle se réalise sans aucune violence physique provenant de la communauté LGBT. Les droits sont pourtant acquis, au fur et à mesure des changements légaux dans les pays. Dans la perspective de démontrer que les Révolutions peuvent se concrétiser sans violence, le mariage égalitaire des homosexuels est un bel exemple. Il mérite d’être étudié. 

C’est pourquoi, il est intéressant d’analyser les causes de cette lutte pour le mariage des couples de même sexe (1), de retracer l’historique de cette lutte et des moyens utilisés (2), et d’analyser les perspectives mondiales vers un mariage égalitaire partout dans le monde (3).       

1- Une lutte pour la liberté, l’amour et l’égalité des droits

C’est une revendication d’émancipation des personnes LGBT. Les homosexuels recherchent la liberté depuis plusieurs décennies. Stonewall en 1969 marque le début de l’émancipation des homosexuels à New York. Des LGBT new-yorkais se sont révoltés contre la police qui les harcelaient. 

Cette recherche de liberté et d’égalité se poursuit aujourd’hui par une multitude de combats contre les violences et les discriminations subies par les personnes LGBT, ou dans certains pays, pour le mariage des couples de même sexe.

Ce combat est justifié par l’amour et la volonté de se marier avec la personne de son choix. L’acquisition de droits octroyés par le mariage est recherchée, pour respecter les principes d’égalité et de dignité et ainsi lutter contre l’homophobie.

1-1 Mariage = amour

Des hommes et des femmes s’aiment. L’amour en bref. C’est tout à leur honneur de réclamer le droit de s’aimer. 

D’ailleurs, l’amour est l’argument phare des campagnes pro-mariage égalitaire. Aux Etats-Unis, en Australie, en Irlande; ce fut l’argument de l’amour, « love wins », ou « l’amour triomphe », qui a été en première ligne dans les dernières campagnes référendaires. Un argument gagnant compte tenu des résultats positifs de ces référendums aux Etats-Unis dans les Etats de Washington et du Maryland puis en Irlande et en Australie.

L’amour est sain, et cet argument de l‘amour est suffisant pour justifier l’ouverture du mariage aux couples de même sexe. C’est alors la liberté de se marier avec la personne de son choix. Auparavant, les couples homosexuels n’avaient pas le droit de se marier avec la personne aimée. Il s’agit de la liberté de vivre avec celui ou celle que l’on aime. C’est une émancipation des hommes et des femmes qui veulent vivre et choisir leurs vies.

1-2 Mariage = droits

Le mariage, c’est un statut juridique. Pour les hétérosexuels, le mariage était le début de la fondation d’une famille ou alors une étape importante dans la structuration d’un patrimoine. 

Aux Etats-Unis, le rapport sur les droits du mariage datant de 1997 fait état de 1 049 lois fédérales  dans lesquelles le mariage est un facteur d’avantages et de privilèges

https://www.gao.gov/archive/1997/og97016.pdf

En 2004, il s’agissait déjà de 1138 lois fédérales.

https://www.gao.gov/new.items/d04353r.pdf

A ces droits fédéraux se rajoutent les droits au niveau des Etats fédérés, des entités locales, et ceux concédés par les entreprises. Le mariage implique alors une protection pour un couple. 

Le mariage est un ensemble de droits qui peuvent être activés selon les situations: par exemple, en France, le droit des étrangers (séjour, regroupement familial, nationalité), le droit international humanitaire (prisonniers de guerre), le droit du travail (congés), le statut de la fonction publique (rapprochement familial), le droit au logement (maintien dans le logement suite au décès du conjoint), le droit hospitalier (accès au dossier du patient, consentement de la famille), le droit civil (changement de nom). Ce sont aussi des droits patrimoniaux (droit fiscal, droits de succession, pension de réversion, droit de la sécurité sociale). 

1-3 Une exigence d’égalité et de dignité

L’égalité des droits, c’est d’abord la fin du monopole hétérosexuel sur les normes juridiques. Avec le mariage des homosexuels, le mariage traditionnel, hétérosexuel, si sacralisé ou religieux dans l’Histoire et dans les cultures, est finalement « civilisé », rendu au peuple et révolutionné dans son essence sexuelle. 

Tout le monde y a accès, même les homosexuels vivant en couple. C’est donc la fin d’une hiérarchie des classes sexuelles, avec les couples hétérosexuels dominant la société, reconnus par l’Etat, et tout en bas, des couples de même sexe, juridiquement inexistants et sans droits, comme c’est le cas dans la large majorité des Etats du monde aujourd’hui. 

A noter que l’obtention du mariage pour les homosexuels n’a enlevé aucun droit à personne. Aucun hétérosexuel ne s’est vu déposséder de ses droits. A l’exception de la fin d’un privilège. Egaux en droits, pouvant aimer librement, les homosexuels retrouvent alors toute leur dignité. 

1-4 Une condition nécessaire à la lutte réelle contre l’homophobie

De plus, l’égalité juridique est une étape importante et nécessaire pour une lutte profonde contre l’homophobie. Il n’y a pas de lutte contre l’homophobie efficace tant que les homosexuels n’ont pas les mêmes droits que les hétérosexuels. 

D’ailleurs, une étude américaine de 2019 démontre qu’après l’ouverture du mariage aux homosexuels, l’homophobie baisse considérablement  (Eugene K. Ofosu, Michelle K. Chambers, Jacqueline M. Chen et Eric Hehman. Same-sex marriage legalization associated with reduced implicit and explicit antigay bias.  PNAS, 30 avril 2019,  vol. 116 no.18) .

Les chercheurs ont suivi l’évolution des préjugés homophobes dans les Etats fédérés entre 2003 et 2017. En corroborant ces évolutions avec les ouvertures progressives du mariage égalitaire dans les différents Etats, y compris après la décision de la Cour suprême en 2015 de l’ouverture du mariage égalitaire pour l’ensemble des Etats-Unis, les universitaires démontrent une baisse considérable de l’homophobie.  

Une seconde étude scandinave de novembre 2019 a suivi les suicides au sein des couples de même sexe entre 1989 et 2016 ( ERLANGSEN Annette, DREFAHL Sven, HAAS Ann, BJORKENSTAM Charlotte, NORDENTOFT Merete, ANDERSSON Gunnar; Suicide among persons who entered same-sex and opposite-sex marriage in Denmark and Sweden, 1989-2016: a binational, register-based cohort study. Journal of Epidemiology and Community Health November 2019; 74 (1): jech-2019-213009  DOI:10.1136/jech-2019-213009).

En effet, depuis 1989 au Danemark, et 1995 en Suède, les couples de même sexe peuvent s’unir par un partenariat enregistré qui leur est exclusivement réservé. Le mariage a été ouvert aux homosexuels en 2009 en Suède et en 2012 au Danemark. 

L’étude constate un taux d’incidence du suicide 2,3 fois plus important pour les homosexuels enregistrés dans un couple que pour les hétérosexuels mariés, avec une pointe à 2,7 pour les couples de lesbiennes. De plus, les chercheurs observent une baisse notable du ratio des taux d’incidence entre la période 1989-2002 et 2003-2016: de 2,8 à 1,5 pour les homosexuels (1= référence du taux d’incidence des couples hétérosexuels sur la période 1989-2002). Les taux d’incidence des suicides baissent dans toutes les catégories, y compris chez les hétérosexuels (28%) et la baisse est plus forte chez les couples homosexuels (46%) entre les 2 périodes. 

Les chercheurs veulent éclairer et faire comprendre les besoins d’un soutien vers les personnes appartenant aux minorités sexuelles. Ils estiment que davantage de recherches sont nécessaires afin d’identifier ce facteur unique de risque qu’est l’orientation sexuelle et les moyens de protection. 

Cette baisse accélérée du taux d’incidence du suicide pour les homosexuels pourrait s’expliquer par la meilleure acceptation constatée au fur et à mesure des années et des changements juridiques. Certains journalistes ont d’ailleurs écrit que le mariage pour tous réduit les suicides chez les homosexuels (

https://www.reuters.com/article/us-nordics-lgbt-health-trfn-idUSKBN1XO010

https://www.weforum.org/agenda/2019/11/suicides-fall-with-gay-marriage-in-sweden-denmark-as-stigma-fades/

https://www.theguardian.com/world/2019/nov/14/suicide-rates-fall-after-gay-marriage-laws-in-sweden-and-denmark

2- Le mariage égalitaire est un modèle de lutte pacifiste

Le combat pour l’égalité des droits est d’abord celui de militants dévoués à leur cause, qui malgré les années et les coups portés par leurs opposants et un système politique hostile, ont réussi. Ils prouvent qu’en croyant aux valeurs de liberté et d’égalité, sans agir par la violence physique, l’Humanité peut progresser.

En 20 ans, 29 Etats ont ouvert le mariage aux couples de même sexe. Aucune goutte de sang n’a été versée par les demandeurs.  

La mobilisation citoyenne a été diversifiée, en fonction de l’action de chaque individu. Collectivement, le succès est venu, mais avec beaucoup de patience et de persévérance, car le temps écoulé est important. 

2-1 l’histoire du premier couple marié, au Minnesota

En 1970, un couple dans l’Etat du Minnesota, aux Etats-Unis, a voulu se marier. Richard Baker et James Michael McConnel, deux étudiants, ont déposé une demande de mariage le 18 mai 1970.  C’est la première date officielle au monde pour une demande de mariage d’un couple de même sexe. Ils ont eu un premier refus administratif. Evidemment, ils ont échoué en justice, y compris jusqu’à la Cour suprême des Etats-Unis. 

Le 3 septembre 1971, le révérend méthodiste Roger LYNN les a mariés légalement à Blue Earth County, c’est le premier mariage homosexuel valide dans l’Histoire, puis invalidé et le 18 septembre 2018 re-validé par la justice. En effet, le couple pionnier est toujours en couple et légalement marié aujourd’hui. Entretemps, le mariage homosexuel est entré en vigueur le 1 juillet 2013 au Minnesota. 

C’est donc un combat de 48 années pour ce couple, afin d’aboutir à la reconnaissance par les autorités. C’est à l’image de la lutte des homosexuels dans le monde. Une grande lenteur, mais au final que de changements! 

2-2 L’histoire de Chi Chia Wei: la ténacité et le courage d’un homme seul contre l’Etat

Chi Chia-Wei est un militant LGBT de Taiwan depuis plus de 30 ans. Il a plus de 62 ans aujourd’hui. 

En 1986, il a fait une demande en mariage de son partenaire homosexuel. Il a essuyé un rejet administratif et son recours parlementaire échoua. Il a payé cet engagement par 162 jours de prison.  

En 1994, il fit une demande en mariage, en vain. En 1998, il tenta à nouveau une demande de mariage. Encore une fois, sa demande a été rejetée  et il échoua en justice en octobre 2000. 

Le 21 mars 2013, il déposa pour la 4e fois sa demande de mariage. L’administration refusa. Il a fait alors un recours administratif, qui échoua. Puis il exerça des recours juridiques à trois niveaux juridictionnels en invoquant l’inconstitutionnalité du refus. Le 24 mai 2017, la Cour constitutionnelle de Taiwan donna l’injonction à l’Etat de permettre le mariage des couples de même sexe dans le délai de deux ans ( 24 May 2017, Judicial Yuan Interpretation n°748, Constitutional Court of Taiwan). L’exclusion des gays du mariage violait la Constitution, en particulier le droit à l’égalité et aussi la liberté de se marier. 

Le 24 mai 2019, Taiwan a ouvert le mariage aux couples de même sexe. Le combat tenace et courageux de Chi Chia-Wei a réussi. Le mariage des couples de même sexe, c’est aussi le combat pacifiste et acharné de militants LGBT.  

2-3 Depuis l’an 2000, 29 pays ont ouvert le mariage pour les homosexuels

En 1989, le Danemark créa un partenariat enregistré pour les couples homosexuels, octroyant des droits similaires au mariage avec quelques exceptions. C’est le premier Etat à reconnaître les couples de même sexe par un statut juridique. Le 21 décembre 2000, aux Pays-Bas une loi d’ouverture du mariage aux couples de même sexe est promulguée avec une entrée en vigueur au 1 avril 2001. 

Depuis, la liste des Etats et territoires ouvrant le mariage aux homosexuels s’allonge. Aucun Etat n’est revenu en arrière. Après les Pays-Bas, ce fut la Belgique en 2003; puis l’Espagne et le Canada en 2005; l’Afrique du Sud en 2006; la Norvège et la Suède en 2009, ainsi que la ville de Mexico; le Portugal, l’Islande et l’Argentine en 2010; le Danemark en 2012; le Brésil, la France, l’Uruguay et la Nouvelle-Zélande en 2013; l’Angleterre et le Pays de Galles, l’Ecosse en 2014; le Luxembourg, les Etats-Unis et l’Irlande en 2015; le Groenland et la Colombie en 2016; la Finlande, les îles Féroé, Malte, l’Allemagne et l’Australie en 2017; l’Autriche, Taiwan et l’Equateur en 2019; l’Irlande du Nord et le Costa Rica en 2020. 

Ces datent cachent un combat beaucoup plus long et difficile. Les Etats fédéraux l’illustrent: 

De 2009 à 2020, la Ville de Mexico puis, année après année, 19 autres Etats mexicains, les consulats mexicains et des municipalités reconnaissent le mariage des couples de même sexe au Mexique. Cela couvre aujourd’hui 52% de la population du Mexique. Dans les autres Etats mexicains, les couples doivent faire la demande en justice qui octroie le mariage.

Au Canada, l’Etat de l’Ontario a reconnu le mariage des couples de même sexe le 10 juin 2003 par une décision de justice. Puis les juges l’ont fait dans huit autres Etats fédérés, jusqu’à ce que la loi fédérale l’ait élargi à l’ensemble du Canada le 20 juillet 2005. 

Au Brésil, le 27 juin 2011, un juge autorisa un couple à se marier dans l’Etat de São Paulo. Puis la justice de l’Etat d’Alagoas a ouvert le mariage aux homosexuels le 7 décembre 2011. Près de 14 Etats fédérés ont ouvert le mariage aux homosexuels suite à des décisions des juges, jusqu’à ce que le Conseil national de Justice décide d’ouvrir le mariage aux homosexuels pour l’ensemble de l’Etat fédéral le 14 mai 2013 avec une entrée en vigueur le 16 mai 2013. 

De même, aux Etats-Unis, le 17 mai 2004, l’Etat du Massachusetts a ouvert le mariage aux homosexuels, en application d’une décision de justice de novembre 2003. 

Ce combat pour l’égalité des droits aux Etats-Unis a été inauguré par la Cour suprême de l’Etat de Hawaï le 5 mai 1993 lorsqu’elle questionna la constitutionnalité de l’exclusion d’un couple de même sexe du mariage … jusqu’à ce qu’un référendum hawaïen en 1998 n’en modifie la Constitution pour exclure les homosexuels du mariage. 

Aux Etats-Unis, il y a eu 38 référendums dans 36 Etats fédérés entre 1998 et 2012. Trois Etats ont organisé des référendums à deux reprises (la Californie, l’Arizona et le Maine). 

Voici la liste des référendums américains: Hawaï et l’Alaska en 1998; la Californie et le Nebraska en 2000; le Nevada en 2002; le Missouri, la Louisiane, l’Arkansas, la Géorgie, le Kentucky, le Michigan, le Mississippi, le Montana, le Dakota du Nord, l’Ohio, l’Oklahoma, l’Oregon, l’Utah en 2004; le Kansas et le Texas en 2005; l’Alabama, l’Arizona, le Colorado, l’Idaho, la Caroline du Sud, le Dakota du Sud, le Tennessee, la Virginie, le Wisconsin en 2006; l’Arizona (2e fois), la Californie (2e fois) et la Floride en 2008; le Maine en 2009; la Caroline du Nord en 2012; le Minnesota, le Maine (la 2e fois), le Maryland, Washington le 6 novembre 2012 (ces 4 derniers référendums furent les premiers favorables à l’égalité des droits pour les homosexuels au monde). 

Sur ces 38 référendums américains, seuls les 4 derniers ont été favorables aux homosexuels, en 2012. Toutes ces énergies, ces dépenses et ce temps passé, pourquoi? Uniquement pour persécuter à nouveau les homosexuels par leurs opposants.

Chacun peut imaginer les luttes judiciaires, électorales sur le terrain avec tant de référendums, puis les débats politiques et les votes parlementaires. Tant d’énergies pour aboutir à l’égalité des droits au niveau fédéral par une décision de la Cour suprême des Etats-Unis le 26 juin 2015 dans l’affaire Obergefell v. Hodges. A cette date, 38 Etats fédérés avaient déjà l’égalité des droits. Au final c’est un succès pour les homosexuels américains. 

Les procédés institutionnels utilisés:

Le mariage pour tous a été introduit par la voie législative pour la plupart des Etats en Europe (les Pays-Bas, la Belgique, l’Espagne, la Norvège, la Suède, le Portugal, l’Islande, le Danemark, la France, l’Angleterre et le Pays de Galles, l’Ecosse, le Luxembourg, la Finlande, Malte, l’Allemagne) et dans quelques autres pays (l’Argentine, l’Uruguay, la Nouvelle-Zélande). 

La voie référendaire a été choisie et réussie en Irlande en 2015 et en Australie en 2017. L’Irlande est alors le premier Etat au monde à voter pour le mariage homosexuel par référendum. Une liste incroyable de référendums visant à interdire le mariage des homosexuels a eu lieu ces dernières décennies (38 référendums aux Etats-Unis entre 1998 et 2012, en Croatie en 2013, en Slovaquie et en Slovénie en 2015, en Roumanie et à Taiwan en 2018). 

Il est paradoxal de demander à la majorité des électeurs de donner son accord sur les droits concernant les personnes appartenant à une minorité. De plus, chacun peut concevoir la douleur d’habiter dans un territoire qui rejette clairement vos droits. Cela nous interroge sur la démocratie et ses limites.  

La justice a permis l’ouverture du mariage aux homosexuels en Afrique du Sud, en Autriche et en Amérique (le Brésil, les Etats-Unis, la Colombie, l’Equateur, le Costa Rica). Souvent la justice et les parlements nationaux ont agit ensemble dans ce combat (le Canada, le Mexique, Taïwan). 

Dans les Etats fédéraux, il y a eu également des luttes au niveau des Etats fédérés, avec les mêmes moyens: lois parlementaires, référendums, décisions de justice. Notamment au Canada, aux Etats-Unis, au Brésil et au Mexique. 

Toutes ces données démontrent les combats acharnés devant les institutions démocratiques. Les énergies déployées sont importantes. S’il y a des succès, il y a eu beaucoup de défaites, avec les frustrations, les persécutions, les énergies dépensées, les souffrances endurées.   

Ces évolutions juridiques prouvent que les droits peuvent s’acquérir, qu’une société peut changer, sans aucune goutte de sang versée par une personne LGBT. Une Révolution pour les homosexuels et aussi pour les hétérosexuels, sans violence physique exercée par les demandeurs. 

2-4 Des citoyens se sont organisés avec une pluralité de moyens pour réformer la loi

Ces combats pacifiques ont été longs, suite à de nombreuses défaites, ils ont supposé une pédagogie du quotidien, de grands débats en famille ou entre amis, des mobilisations, de l’argent dépensé dans ces procédures de tribunaux et de référendums, de papiers et de diffusion d’écrits, de mobilisation sur les réseaux sociaux, de publications scientifiques, de pétitions, de lettres et de témoignages, de débats interminables dans les parlements. Tout pour convaincre la majorité des citoyens d’octroyer des droits à la minorité. 

Plusieurs moyens pacifistes existent. Les actions s’organisent en trois niveaux: l’individu, le collectif et l’institutionnel. J’en dresse la liste selon mes connaissances: 

Les trois niveaux d’action:

Au niveau individuel: 

Tout commence au niveau individuel, l’homme refuse l’injustice et il prend conscience de ses droits et de sa citoyenneté. 

Les témoignages et les coming out sont les outils les plus importants. Ce sont aussi les couples qui s’aiment et s’ouvrent au monde. S’affirmer est la première étape dans ce combat. 

Les débats en famille, avec les amis, au travail ont été importants. 

Les lettres, courriels et courriers envoyés aux anonymes et aux personnalités. Les débats parlementaires ont soulevé des vagues de courriels auprès des parlementaires canadiens en 2005 qui affirmaient n’avoir jamais reçu autant d’écrits aussi bien des soutiens que des opposants au mariage des couples de même sexe. 

Les photographies, les statues sur les gâteaux de mariage. A savoir que ce sujet est allé jusqu’à la Cour suprême des Etats-Unis. 

Les cérémonies organisées. 

Les cotisations et dons aux associations, pour financer la cause. 

La signature d’une pétition. 

Le bulletin de vote ou l’abstention.

Le boycott. L’homophobie venue d’une compagnie de pâtes italiennes a donné lieu à un boycott de ses produits. 

Les grèves de la faim.

Le refus de payer des impôts. C’est la méthode employée par Henry David THOREAU qui refusa de payer les impôts afin de protester contre l’esclavage en vigueur aux Etats-Unis. 

Au niveau collectif: de l’action individuelle au groupe

Les individus s’unissent en collectifs. C’est le groupe qui rassemble les individus et leur donne la force. 

Les syndicats, certaines entreprises, les associations se sont mobilisées. Citons Act Up, Freedom to Marry…

Les manifestations, les fêtes, les gay prides, les gay mat (au Luxembourg, c’est un rassemblement fixe une journée par an sur la place centrale).

Les pétitions. 

Les coups de téléphone, le porte à porte. Les meetings, les kiss in en public. Les Femen et les opérations « coup de poing ». Les occupations d’espaces ou de locaux.  

Les mariages dans certains cultes et églises. Par exemple, l’Eglise réformée d’Autriche décida en 1999 de bénir les couples de même sexe, 20 ans avant le mariage égalitaire en Autriche. Depuis le 16 mars 2019, cette Eglise protestante marie les couples de même sexe. 

Au niveau institutionnel, car c’est là que réside l’objectif politique de réformer la loi:

L’individu, le collectif sollicitent les institutions afin de changer le droit. 

Cela passe par les demandes et recours administratifs, les ombudsmen, les autorités consultatives. 

Les recours juridictionnels. Il y en a eu des centaines dans le monde sur la question du mariage pour tous.

Les partis politiques et les élus ont été interpellés jusqu’à changer de position politique. Les interviews politiques ou de personnalités ont diffusé des messages. 

Les élus locaux se sont aussi mobilisés, par exemple le mariage de Bègles en 2004 célébré par Noël MAMERE, puis avec la justice saisie jusqu’à la Cour européenne des Droits de l’Homme. C’était un acte de désobéissance civile ayant permis un débat national et des recours juridictionnels (au final infructueux). 

Les distinctions honorifiques. Néanmoins, peu de citoyens homosexuels ont été décorés pour leur combat. 

Les débats au Parlement, y compris les questions parlementaires et les votes, les rapports parlementaires, les travaux en commission. Souvenons-nous de ces débats sans fin à l’Assemblée nationale en France entre 2012 et 2013. Il y a eu 5 362 amendements déposés en première lecture à l’Assemblée nationale et 3 429 amendements déposés en seconde lecture. Sans citer les débats au Sénat. 

Les référendums.

Les élections qui ont permis d’aborder la thématique, en France dès les élections législatives de 2007.

Les discours et décisions de l’exécutif, du Président à certains maires. Par exemple, José Luis Rodríguez Zapatero, surnommé « Bambi », en Espagne avait promis l’égalité des droits dans le programme socialiste du PSOE lors des élections législatives de 2004. Suite à sa victoire en mars 2004, sa majorité l’a fait le 3 juillet 2005, avec d’autres partis politiques, rendant l’Espagne le premier pays au monde à avoir l’égalité des droits la plus élargie (mariage et adoption). 

Les types d’outils:

Plusieurs outils sont utilisés dans cette lutte des homosexuels. 

Les outils institutionnels et démocratiques: 

Le vote, la pétition, la demande administrative, la saisine de la justice.

Les outils financiers et commerciaux:

Les financements et les dons;

Le boycott d’un produit ou, a contrario, l’achat d’un produit spécifique;

Le refus de payer l’impôt. 

Les outils de coercition: 

L’occupation d’un local, le blocage d’une voie de circulation.  

Les outils de la communication:

Les conférences, les colloques, les débats publics. 

Les médias, les journaux, les éditoriaux et courriers des lecteurs, les revues, les blogs et les sites internet, les réseaux sociaux ont été utilisés.

Les affiches, les prospectus, les flyers, les autocollants, les T-shirts, les banderoles, les caravanes publicitaires. 

Les films, les documentaires, la télévision, les pubs. Par exemple, Al Pacino a joué en 1975 un rôle évoquant un mariage entre deux hommes dans Dog Day Afternoon.

Les peintures, les caricatures, les objets d’art. 

Le théâtre, les livres, la philosophie, la poésie, les écrits politiques. 

Les spectacles, y compris drôles, souvenons-nous du mariage de Coluche et de Thierry Le Luron en 1985. 

Les articles scientifiques et juridiques. Les études académiques.   

Chaque citoyen a utilisé son propre outil pour revendiquer. Il y a autant d’actions possibles que de citoyens. L’imagination et l’organisation collective ont payé. 

Toute cette mobilisation démontre qu’il est possible d’améliorer le monde par des luttes sociales, et encore mieux sans violence, sans aucune goutte de sang versée, ce qui est rare dans l’Histoire de l’Humanité et de ses évolutions juridiques. Jamais un homosexuel n’a blessé qui que ce soit pour demander le droit de se marier avec celui qu’il aime, à ma connaissance. Et au final, il a réussi collectivement à faire avancer sa cause. C’est une lutte pacifiste. 

D’une prise de conscience individuelle et d’un engagement citoyen, toute une communauté est bousculée; et au final ce sont des décisions de justice ou une volonté politique qui permettent l’ouverture du droit. Le pouvoir est après un certain temps engagé dans la Révolution. Le changement juridique a lieu après des millénaires de mariage institutionnalisé « hétérosexuel ».   

Ce temps est long: tant de couples n’ont pas pu se marier à temps et ils ont perdu de nombreux avantages. C’est peut-être la différence avec une Révolution violente; le changement ne se fait pas instantanément ni en peu de temps. Les homosexuels payent de leur patience leur émancipation. 

3- Perspectives mondiales: l’Humanité attend!!!

3-1 En 2019, la Révolution homosexuelle est attendue dans une vaste partie de l’Humanité

Aujourd’hui une large majorité d’homosexuels au monde ne peuvent pas se marier. En effet, plus de 84,4% de la population mondiale vit dans des pays où le mariage est exclusivement réservé aux couples hétérosexuels. 59,4% de la superficie de la planète exclut les homosexuels du mariage. Sur 200 pays, seuls 29 reconnaissent les couples homosexuels.  

Essentiellement des pays à tradition chrétienne et des pays riches ont ouvert le mariage aux homosexuels, en Europe, en Amérique, en Océanie. Taiwan est le premier pays de tradition non-chrétienne à ouvrir le mariage aux homosexuels le 24 mai 2019. La marge de progrès est alors immense dans le monde.

Des revendications sont fortes dans plusieurs pays de cultures diverses: la Chine, le Japon, la Corée du Sud, la Thaïlande, Israël, le Népal, l’Inde. Parmi les pays de tradition chrétienne, les réformes sont discutées en Suisse, en Italie, en Tchéquie, en Grèce, en Andorre, en Estonie, à Panama, au Mexique, à Curaçao, aux îles Caïmans, aux Bermudes, au Vénézuela, au Chili, au Pérou. A noter qu’aucune dictature n’a accordé le mariage pour tous, malgré quelques débats sans aboutissements à Cuba, en Thaïlande et au Vietnam. En effet, la revendication du mariage pour tous s’insère dans un processus démocratique de respect des droits humains.         

3-2 Le mariage des homosexuels et la dépénalisation de l’homosexualité: quelle priorité mener? 

De nombreux pays pénalisent les relations homosexuelles, ils représentent près de 21,8% de la population mondiale. Promouvoir le mariage homosexuel y est moins prioritaire. Cependant le monde évolue à plusieurs vitesses. 

Certains pays sont clairement réactionnaires. Ils pénalisent les relations homosexuelles et ont plusieurs décennies de retard avec les pays les plus avancés. Dépénaliser l’homosexualité est évidemment un préalable impératif, mais rares sont les pressions internationales et la complaisance est importante. Dans ce groupe de 73 pays, il y a une priorité: dépénaliser et stopper la violence. 

Cette pénalisation est très liée à la religion. Certains pays musulmans en Asie et en Afrique infligent la peine de mort aux homosexuels (Mauritanie, Arabie Saoudite, Pakistan) ou des peines de prison très lourdes. Il s’agit également de pays africains où les traditions musulmanes et chrétiennes sont fortes (Cameroun, Tanzanie, Sénégal), ou des pays de tradition chrétienne aux Caraïbes (Dominique, Sainte Lucie, Grenade, Saint Vincent et les Grenadines, Saint Kitts et Nevis, Antigua et Barbuda, la Barbade) ou en Océanie (Tuvalu, Kiribati, Iles Salomon, Tonga, Samoa). Certains pays bouddhistes (le Sri Lanka, le Bhoutan jusqu’en 2021) sont également homophobes. 

D’autres pays ont depuis longtemps dépénalisé l’homosexualité. Ils ont même reconnu certaines formes de droits pour les couples de même sexe. Des lois protectrices existent sur le droit du travail, la sécurité sociale, le logement. Dans ces pays, la question de la pénalisation n’existe plus. Il est donc nécessaire de passer à une seconde phase: la reconnaissance du couple et de son égalité à travers le mariage. 

La majorité des pays au monde sont dans ce deuxième groupe, soit 62,6% de la population mondiale. Ce groupe contient une palette de pays très différents avec des contextes et des évolutions politiques et sociales à chaque fois sui generis. 

3-3 Le mariage religieux des couples de même sexe arrive

Les religions et les croyances ont été les plus grands opposants des homosexuels pendant des siècles. L’homosexualité est un péché pour de nombreuses confessions chrétiennes; une abomination dans les textes bibliques, ce qui est repris par des religieux israélites ou chrétiens. Cette homophobie assumée par les religieux a son effet destructeur sur les populations LGBT et sur nos sociétés largement influencées par les cultes.   

Les religions se sont également accaparées du mariage au cours des siècles. Dans de nombreux pays, le mariage religieux a des effets civils, et parfois de manière exclusive. 

Or, désormais des cultes marient ou bénissent les couples de même sexe. C’est le cas d’Eglises d’Etat, par exemple l’Eglise luthérienne danoise ou bien finlandaise. Et aussi de cultes majoritaires dans leurs pays, en particulier les Eglises luthériennes suédoise ou norvégienne. De plus en plus d’églises réformées en Suisse, en Autriche, ou bien luthériennes en Allemagne ont choisi cette voie d’intégration des populations LGBT, parfois même avant le changement législatif. Au Canada et aux Etats-Unis, des chrétiens, notamment anglicans et réformés suivent ce chemin. D’autres religieux musulmans, israélites et d’autres cultes évoluent sur les questions LGBT. 

Désormais, il est cocasse de constater que le même dieu et les mêmes textes religieux sont employés à opprimer les homosexuels dans des pays par un culte chrétien alors qu’ils sont mariés dans les églises voisines. Certaines églises bénissent les animaux mais refusent de bénir les couples de même sexe, c’est le cas des catholiques; tandis que d’autres cultes bénissent ou marient les homosexuels. Aujourd’hui, grâce aux luttes menés par des homosexuels religieux ou croyants, sans guerres de religion, des cultes marient les couples de même sexe.    

Conclusion

Cette lutte pour l’égalité des droits au mariage est portée par les homosexuels, les exclus, la base.  

Des hommes et des femmes se sont levés, ils ont pris conscience de leur condition et de l’injustice. Ils ont voulu la liberté, l’égalité, la fraternité, la dignité, vivre l’amour, lutter contre l’homophobie. Ils ont mené une lutte pacifique et non-violente. 

Ils ont employé des moyens individuels et collectifs. Chaque imagination a su faire briller cette lutte pour l’égalité. 

Après des décennies de combat, les changements juridiques ont été obtenus. Les droits ont été changés. Les mariages ont eu lieu. L’homophobie a diminué au final.   

Aucune goutte de sang n’a été versée par une personne LGBT dans le monde, et tant de bonheur et de progrès ont été atteints. L’humanité a gagné et progressé.      

Lorsque les humains se battent pour la liberté, l’égalité et la fraternité, ils luttent contre l’oppression, la discrimination et la haine. L’égalité des droits pour les homosexuels contribue à édifier un monde de liberté, d’égalité et de fraternité entre tous. C’est une lutte contre ceux qui se croient supérieurs aux autres, contre ceux qui s’octroient le droit de décider de la vie des autres. 

Les oppresseurs ne veulent pas d’égalité, c’est la violence qui leur permet de dominer les autres. Les opprimés se défendent et parfois ils utilisent également la violence, même si cela n’a pas été le cas pour les homosexuels, trop minoritaires et dispersés pour se révolter par la violence.   

Sans liberté, sans égalité et sans fraternité, aucune paix n’est possible. C’est pourquoi, le combat pour l’égalité des droits contribue à la paix et à l’amour sur cette terre.

Les Allues, le 28 janvier 2021