Interview de Robert BIEDROŃ par Solidarité Internationale LGBTQI, le 4 février 2021, traduit de l’anglais
Robert BIEDROŃ est un homme politique polonais. Il est né en 1976 à Rymanów en Pologne du Sud-Est.
Il a été parlementaire à la Diète (Sejm, la chambre basse du Parlement polonais) de 2011 à 2014. Il a été maire de Słupsk, une commune du Nord de la Pologne peuplée de 91 000 habitants, de 2014 à 2018. Il a été élu parlementaire européen en mai 2019 pour 5 ans. Il a été candidat aux élections présidentielles polonaises en juillet 2020.
Il dirige un parti politique polonais, Wiosna (Printemps) fondé en 2019. C’est un militant LGBT depuis 2001, et le premier politicien ouvertement gay élu en Pologne en 2011.
De plus, Robert BIEDROŃ a écrit une autobiographie, A contre courant (Pod prąd), ainsi que sur des réflexions politiques, Nouveau Chapitre (Nowy rozdział), et enfin un livre pour expliquer la démocratie aux enfants, Allume la Démocratie (Włącz Demokrację). Depuis 2016, il est Chevalier de l’Ordre national du Mérite en France.
C’est avec un grand plaisir que nous avons débuté la conversation en français, car Robert BIEDROŃ parle bien français.
1/ Quelles sont vos actions contre les prétendues zones libres d’idéologie LGBT en Pologne? Que pouvez-vous faire en tant que député européen?
Robert BIEDROŃ : 2021 est parmi les pires pages de notre Histoire commune, spécialement en Pologne. Les zones libres de l’idéologie LGBT me rappellent certains textes des livres d’histoires sur les personnes juives. Il y avait également des zones libres. Ces zones libres LGBT me font penser à la situation de la Pologne entre 1939-1945.
Tout d’abord, nous avons besoin de montrer de la solidarité.
Il y a plusieurs moyens: au sein du Parlement européen; ou avec mon parti politique, au sein du Parlement polonais avec des initiatives parlementaires.
Ensuite, en limitant ces zones dans leur fonctionnement. Aujourd’hui, ces zones représentent un tiers du territoire polonais. En s’opposant: par une législation spéciale, des lois anti-discrimination, des lois contre l’homophobie.
De plus, la commissaire européenne pour l’Egalité, Helena DALLI, a dit qu’il n’y aura pas d’argent de l’Union européenne, des fonds européens, envoyé vers ces territoires. Je soutiens cette décision.
Cela a déjà un impact: certaines « communes » (en français) ont annulé leur législation contre les personnes LGBT. Ça marche. Des pays de l’Union européenne, et même d’autres pays européens, tels que le Liechtenstein ou la Norvège, décident de ne plus accorder de l’argent à ces territoires. L’argent est l’un des moyens. La décision du Ministre polonais de la Justice d’accorder des fonds à ces « communes » : cela a pour but de soutenir l’homophobie et la transphobie.
Il y a également le mécanisme de l’Etat de droit, selon l’article 7 du Traité sur l’Union européenne (suspension des droits, y compris de vote). Je n’espère pas. Cela couperait toutes les subventions de l’Union européenne aux pays qui violent les droits humains. Et envoyer l’argent aux ONG, aux collectivités locales, aux entreprises qui respectent les droits humains fondamentaux.
Il y a d’autres outils: les « jumelages » ont été arrêtés, c’est la fin d’une coopération entre les communes.
2/ Que pouvons-nous faire de la France?
En France, beaucoup de « communes » ont décidé de ne plus avoir de coopération (avec les collectivités polonaises). Cela doit continuer. Dans une famille, si quelqu’un ne partage pas les mêmes bases fondamentales, il doit être exclu. Je salue fortement cette décision. Autrement, je ne vois pas le sens de la coopération. Des gens souffrent en Pologne.
C’est très dur, car je me souviens que dans les années 1980, il y a eu un fort soutien de la France. Des citoyens français étaient très aidants, je m’en souviens.
Encore aujourd’hui, nous demandons de la solidarité. D’un pays où « solidarność » a un sens, avec Lech Wałęsa, le Prix Nobel de la Paix. Encore aujourd’hui, nous demandons de la solidarité.
En France, vous pouvez organiser une manifestation devant l’ambassade ou le consulat. Envoyer des lettres au Gouvernement polonais. Faire pression sur le Gouvernement français.
3/ En avez-vous échangé avec des représentants français? Quelles actions proposent-ils?
Oui, nous travaillons avec des amis français, toutes les forces démocratiques, les partis politiques, les députés, le Gouvernement français. Nous avons des échanges de points de vue, des initiatives communes, y compris avec le Conseil de l’Europe, au parlement national. Je veux le confirmer, notre soutien par les collègues français et également des ONG. Je leur adresse un grand « merci ».
4/ Qu’attendez-vous de l’Union européenne, de la Commission ou du Parlement européen? Quelles sont leurs actions?
Au niveau de l’Union européenne, la Présidente VON DER LEYEN a proposé un document responsable pour une Stratégie de l’égalité LGBTQI 2021-2025. Cela a été adressé lors de l’état de l’union.
L’objectif: une union d’égalité avec des droits familiaux, la fin des zones libres LGBT. C’est une grande pression contre la violence. Et les zones libres LGBT, c’est beaucoup de violence.
Cette stratégie est fondamentale. Des directives horizontales viendront. C’est un cadre gigantesque. Aujourd’hui, nous avons uniquement quelques protections contre la discrimination sur le lieu du travail en droit communautaire. Avec ce nouveau cadre, cela va impacter tous les domaines.
5/ Même si cette Stratégie européenne LGBTQI a écarté l’égalité des droits au mariage?
Concernant les droits familiaux, c’est une décision des Etats Membres. Je suis déçu et je crois à une union d’égalité, à l’égalité dans tous les domaines.
Je lutte pour mettre fin à toutes les discriminations. Les droits égaux existent en Espagne ou en France. Nous avons une communauté avec des droits inégaux.
Et c’est la même chose pour les droits des femmes, sur l’interruption volontaire de grossesse et les décisions sur notre propre corps, ainsi que les droits à la contraception. Le but est l’égalité des droits pour tous.
6/ Est-ce que la société polonaise accepte ou lutte contre ces zones libres LGBT ?
Sur ces zones libres LGBT, la démocratie est contre. En Pologne, il y a beaucoup de préjugés d’une partie de la société polonaise.
Les médias publics, l’Eglise catholique… l’homophobie est répandue, en faisant peur aux gens et en qualifiant les personnes LGBT de pervers, de danger pour la famille, d’idéologie bolchévique, et en demandant des zones spéciales où nos droits seraient limités.
Et les gens croient. Les forces démocratiques sont trop faibles en-dehors des grandes villes. Avec les nouvelles générations, les choses vont changer.
La solidarité internationale fait comprendre que les personnes LGBT ne sont pas un danger. Et le peuple polonais réalise que les changements ont lieu en-dehors et à l’intérieur des familles.
7/ Comment voyez-vous l’évolution pour les personnes LGBT polonaises? Est-ce qu’il existe une demande pour le mariage égalitaire?
Sur les questions de l’interruption volontaire de grossesse, nous avons aujourd’hui des lois plus strictes qu’en Iran. La Pologne devient un pays avec des valeurs médiévales. Nous combattons depuis très longtemps.
Sur l’égalité pleine et entière, il y a des forces progressistes en Pologne. Il y a un soutien pour le mariage égalitaire. Une majorité de personnes en Pologne soutient le mariage égalitaire ou un partenariat pour les couples de même sexe.
Le Gouvernement est contre car il est issu de l’aile droite populiste, en vue de sacrifier d’autres groupes. L’Eglise catholique est puissante et beaucoup de politiciens ont peur d’elle.
Oui, il y a une demande pour le mariage égalitaire. Mon propre parti politique a déposé une proposition de loi au Parlement. Mais il n’y a pas beaucoup de place pour cela. Comme pour les autres sujets: il n’y a pas d’éducation sexuelle, pas d’assignation de genre, pas de loi contre les discours de haine, rien qui nous protège en Pologne.
En 2003, il y a eu la mise en oeuvre de la directive européenne contre la discrimination au travail, c’était la condition pour l’accession à l’Union européenne. Depuis lors, il y a une mise à l’écart de nous tous quelque soient les sujets. Nous ne sommes pas protégés. Nous l’avons demandé.
8/ En tant que député européen, candidat aux élections présidentielles polonaises, quelle est votre rêve pour les personnes LGBT en Pologne et dans l’Union européenne?
La société polonaise change. Pas aussi vite qu’imaginé. Nous aurons davantage d’égalité, le mariage et l’adoption pour les couples de même sexe, l’éducation sexuelle et ainsi de suite. Nous deviendrons un pays « normal ».
Je rêve qu’un jour nous n’ayons plus à lutter pour tout cela. Un jour, je serais capable non seulement de me marier, mais pour moi … imaginer le jour quand…en tant que personnalité publique… avec 20 ans de vie commune avec mon partenaire… se promener main dans la main dans la rue. Mon rêve… je ne peux pas faire cela; les gens diraient quelque chose, feraient quelque chose.
Nous avons les gay prides, chaque année, pendant quelques heures. Et je suis allé à la Cour européenne (des Droits de l’Homme) pour que cela se fasse. Je peux me sentir pendant quelques heures comme les hétérosexuels, me sentir libre. Cela me manque beaucoup.
J’aime la Pologne. Je suis un patriote… Me sentir libre.
9/ Pourquoi êtes-vous engagé en politique ? Est-ce que vous faites de la politique car vous êtes gay ?
Je crois que oui. Je viens de la partie la plus conservatrice de la Pologne, de la région des Carpates au Sud. Et lorsque j’ai grandi, j’ai réalisé que je perdais ma dignité. Nous n’avons qu’une seule vie, pas de seconde vie.
Je voulais vivre en dignité. Alors j’ai décidé de lutter. J’ai fait une campagne contre l’homophobie. Je suis devenu un député. Un « maire » gay. J’ai créé mon parti politique. J’étais dans les collectivités locales.
Je continuerai cette lutte. Je donne une partie de ma vie pour la dignité. Les jeunes m’écrivent… je suis un modèle pour eux.
10/ Comment avez-vous fait pour être élu politique parmi tant d’homophobie?
Je suis un gay heureux. J’ai tenté, j’étais déterminé. Quand les personnes travaillent ensemble, en créant un leadership, en changeant avec les autres, en n’étant pas seul, les autres t’aident, ils te donnent de l’énergie. Une équipe travaille où que tu sois, c’est à se rappeler. Plus nous sommes nombreux, mieux c’est, autant que nous pouvons.
Et je suis impliqué dans de nombreux sujets. Pour le Bélarus, je suis le président de la délégation du Parlement européen.
Etre. Les droits des autres. La solidarité entre les différents groupes est importante; l’égalité et longue vie…
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