Hier, 84 voix se sont élevés contre l’amendement proposé par le Burkina Faso. Le mandat de l’expert indépendant sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre (OSIG) est respecté. Malgré les réjouissances, que faut-il penser des positions des États ?

Dernière menace pour l’expert OSIG de l’ONU

Lundi 19 décembre au alentour de 19h, SIL a suivit sur la chaîne en direct de l’ONU la dernière menace qui pesait sur la validité du mandat de l’expert indépendant sur les questions d’orientation sexuelle et d’identité de genre.

Le Burkina Faso en représentant un groupe d’États africains dépose ce lundi 19 décembre 2016 un amendement pour reporter l’application du mandat de l’expert indépendant sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre.

Comme prévu, la coalition d’États africains a déposé un nouvel amendement demandant le retrait du mandat de Vitit Muntarbhorn afin de prendre plus de temps pour mieux déterminer si l’expert est fondé en droit international. Le représentant du Burkina Faso reproche à l’expert indépendant « d’avoir déjà énuméré des objectifs comme la dépénalisation, la dépathologisation, l’inclusion culturelle et l’ampathisation« . Il ajoute avant d’affirmer que les droits de l’Homme ne disent rien sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre :

« Ceci montre clairement que le mandat est déjà violé par l’expert indépendant pour promouvoir des droits nouveaux sans fondement juridique, qui ne sont pas internationalement reconnus, […] qui cultivent l’hostilité entre les États membres de l’ONU et créent une acrimonie au sein du système des Nations unies. »

Après son intervention, plusieurs pays se prononcent contre l’amendement. Le Brésil mentionne le fait qu’une demande similaire avait déjà été votée en Troisième commission et qu’il ne comprenait pas l’intérêt de remettre en cause le mandat de l’expert. « Le mandat ne crée par de nouveaux droits » termine le représentant du Brésil.  Quant à la France, elle souligne que la remise en cause d’un tel mandat atteint l’équilibre institutionnel entre l’Assemblée générale et le Conseil des droits de l’Homme.

Une majorité de pays contre l’amendement déposé par le Burkina Faso

Au total, 84 voix se sont élevées contre l’amendement, mais 77 États ont voté pour. Un peu plus de 43% des votants rejète le mandat de l’expert indépendant sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, ce qui revient à peu près au même nombre d’États qui pénalisent encore les LGBT. Même si majoritairement les États africains ont voté pour l’amendement, précisons que quelques pays comme le Mozambique et le Liberia se sont abstenus ou absentés et félicitons le Cap-Vert et l’Afrique du Sud qui ont voté contre.

Résultat du vote sur l’amendement proposé par le Burkina Faso contre la résolution du Conseil des droits de l’Homme proposant la création d’un manda d’expert indépendant sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre.

Pour le Burkina Faso (à la 33e minute) :

« En votant pour notre amendement, […] les délégations ont affirmé le travail qui guide notre organisation [l’ONU] et ont respecté le droit international.
Tout en respectant le vote, […] nous regrettons la confirmation de la décision du Conseil des droits de l’Homme de désigner un expert indépendant sur […] l’orientation sexuelle et l’identité de genre. En tout cas, [cela] n’a pas encore [pour nous] de fondement juridique en droit international, même si on tente de nous le faire croire.
Une telle décision risque de polariser davantage les États membres car elle ne bénéficie pas du consensus des États membres.
En effet, le groupe estime qu’il est prématuré de nommer un titulaire de mandat sur un concept qui n’a pas encore de consensus entre les États membres.
C’est pourquoi, au cours de cette discussion, le groupe africain a plaidé pour un report afin d’avoir suffisamment de temps pour que les États membres puissent discuter de ce concept […].
Sans cette compréhension entre les États, comment le mandat de l’expert indépendant sera-t-il exécuté ? Comment une évaluation équitable peut-elle être faite dans tout État s’il n’existe pas de cadre clairement établi entre les États en ce qui concerne ce concept ? Ce sont là quelques unes de nos préoccupations et qui demeurent sans réponse.
Au regard donc de tout ce qui précède, les États africains se dissocie du mandat de l’expert indépendant sur la violence et la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre […]. »

Hypocrisie ou diplomatie des droits de l’Homme ?

En voulant prendre plus de temps pour définir les concepts d’orientation sexuelle et d’identité de genre, le Burkina Faso et ses alliés cherchent clairement à définir, à la place de la société civile, la sexualité et l’expression de genre d’un individu pour mieux contrôler son émancipation. Des experts, universitaires et militants LGBTQI se sont pourtant réunis à Yogyakarta en 2007 pour concevoir des définitions et des principes universaux relatifs à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre. Leurs travaux ont d’ailleurs été repris en 2008 par la déclaration de l’ONU relative à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre, approuvée par plus de 95 pays.

Le Burkina Faso n’est pas le seul hypocrite. Du 7 au 8 décembre, la France a accueilli la Conférence des Partenaires pour construire le Burkina Faso*. « Financer le Plan National de Développement Économique et Social… c’est bâtir avec le peuple » mentionne le site officiel de la conférence. Il s’agissait plutôt d’une conférence sans les Burkinabés. De nombreuses organisations privées et publics, sauf celles de la société civile, se sont réunies pour « transformer le Burkina Faso », favoriser « le bien-être social » et agir sur le « capital humain ».

Pas question donc de mentionner les problèmes de libertés et de droits fondamentaux pour les « Burkinabées » et « Burkinabés ». De ce fait, les discriminations à l’égard des minorités sexuelles et de genre étaient également tues. La haine et les discriminations contre les personnes LGBTQI ont pourtant un impact négatif sur les économies nationales selon l’OCDE.

Qu’en pensent la France, la Banque mondiale, le PNUD et l’Union européenne, principaux partenaires du Burkina Faso ? Pour Ban Ki-Moon, il s’agit d’un grand moment « pour renforcer la démocratie et l’État de droit, ainsi que de promouvoir le développement socio-économique tant attendu par les Burkinabés, en particulier les jeunes« . Doit-on entendre que grâce à ce grand plan national les jeunes Brukinabés LGBT pourront se saisir de leurs droits fondamentaux pour développer leur capital humain et leur bien-être social ? Rappelons enfin que la Banque mondiale avait promis en mars 2016 qu’elle ne financerait plus des projets de développement dans des pays qui mettent en danger les droits des LGBT.

Mobilisation LGBTQI pour la réussite du mandat

Pour SIL, nous devons rester vigilants et mobilisés. Nous devrons utiliser tous les outils disponibles au sein du Conseil des droits de l’Homme (Examen périodique universel, procédures spéciales, etc.) pour faire respecter notre dignité et nos droits fondamentaux. Si le Burkina Faso et ses alliés ont peurs que l’expert indépendant ne puisse exercer son mandat, nous serons présents pour montrer s’il aura été gêné à le réaliser.


*Nous remercions Pierre Meyer de QAYN de ces informations.